• On a marché sur la lune...il y a 40 ans!

    Sept ans de retard. Lorsque le président John Kennedy annonce, le 25 mai 1961, l'ambition américaine de poser un homme sur la Lune avant la fin de la décennie et de l'en faire revenir sain et sauf, Objectif Lune est publié depuis plus de sept ans. Pour autant, aucun acte politique n'aurait pu être plus ambitieux que le lancement du programme Apollo. Car, lorsque Kennedy prononce son allocution devant le Congrès, aucune capsule américaine habitée n'a encore été, stricto sensu, mise sur orbite. Seul Alan Shepard a effectué, trois semaines auparavant, un vol suborbital de quinze minutes. Autant promettre de battre le record du monde du 100 mètres alors qu'on sait à peine marcher... et que l'adversaire, lui, trottine déjà.

    Pour les Etats-Unis, le début de l'année 1961 n'est pas bon. Mi-avril, c'est la débâcle de la tentative de débarquement de la baie des Cochons, à Cuba. Une semaine plus tôt, un Russe de 27 ans, Iouri Gagarine, était devenu le premier homme sur orbite. C'est sans doute cette accumulation de revers qui pousse le président américain à l'audace. S'agissant de la course à l'espace, ce n'est pas la première déconvenue : depuis la mise sur orbite du Spoutnik soviétique en octobre 1957, d'autres jalons ont été posés par l'URSS. En janvier 1959, la première sonde à survoler la Lune, Luna 1, est soviétique. En septembre, le premier objet fabriqué de main d'homme à toucher le sol lunaire, la sonde Luna 2, est soviétique. Un mois plus tard, c'est encore un appareil du programme Luna qui prend les premiers clichés de la face cachée de la Lune... De leur côté, les Américains pâtissent de fusées peu fiables. Entre décembre 1956 et septembre 1959, quatorze lancements de la fusée Vanguard sont tentés, généralement pour la mise sur orbite terrestre de petits satellites scientifiques : neuf sont des échecs.

    ÉCHECS AU LANCEMENT

    Les premiers pas des Etats-Unis vers la Lune ne sont pas moins compliqués. Le programme Ranger, destiné à envoyer des sondes sur une trajectoire de collision avec l'astre de nuit, montre à nouveau la faiblesse des lanceurs américains. Entre août 1961 et octobre 1962, les cinq tentatives se soldent par des échecs au lancement ou par des trajectoires fautives... Il faudra attendre 1964 pour que trois Ranger s'écrasent comme prévu sur la surface lunaire, non sans avoir envoyé auparavant de nombreux clichés.

    La suprématie de la technologie soviétique, qui prévaut jusqu'au début des années 1960, masque de profondes divergences au sommet de l'Union soviétique sur la nécessité des vols habités. En octobre 1963, Nikita Khrouchtchev dit même au New York Times que "pour le moment, [ils n'ont] pas l'intention d'envoyer des cosmonautes vers la Lune". Sans qu'on sache, encore aujourd'hui, si cette déclaration – sur laquelle il revient du bout des lèvres quelques jours plus tard – relevait de l'intoxication, du lapsus ou de l'aveu. Les dirigeants américains sont en tout cas sur les dents. A la NASA, on s'inquiète de l'année 1967, qui marque le demi-siècle de la révolution d'Octobre. La date serait idéale pour un alunissage soviétique. On s'inquiète d'autant plus de 1967 que 1966 a été particulièrement féconde pour les Soviétiques. Le 3 février, une sonde Luna se pose sur le sol lunaire, tandis que, deux mois plus tard, un autre engin, lancé depuis Baïkonour, devient le premier satellite de l'astre de nuit. L'URSS ne réalisera finalement pas de coup d'éclat lunaire pour le cinquantième anniversaire de la révolution. Mais les Etats-Unis déploreront, en janvier, la mort de trois astronautes du programme Apollo dans l'incendie d'une capsule, lors d'un exercice au sol.

    Pour les Etats-Unis, 1968 s'annonce aussi déplorable que 1961. L'offensive du Têt, en février, sonne le glas de l'engagement américain au Vietnam. Et, fin mars, un universitaire soviétique, Leonid Sedov, déclare simplement à Space Business Daily que l'URSS "pourrait envoyer un homme sur la Lune demain". Tous les éléments d'une belle frayeur sont en place. En septembre, des responsables du programme Apollo sont prévenus par des radioastronomes britanniques qui, le 19 septembre au petit matin, ont capté une conversation tenue, en russe, à bord du vaisseau Zond 5 – lancé vers la Lune quelques heures plus tôt !... La NASA se rend bien vite compte qu'il ne s'agit que d'un test de la chaîne de transmission et que Zond 5 est inhabité. Inhabité ? Pas complètement. A bord, une tortue, des plantes, quelques insectes et des cultures de bactéries. L'appareil est envoyé vers la Lune, il en fait le tour et revient sur Terre, où il est récupéré dans l'océan Indien. L'"équipage" est vivant. James Webb, l'administrateur de la NASA, déclarera qu'il s'agit là de "la plus importante démonstration spatiale faite par une nation à ce jour". A Washington, on est sûr que la prochaine fois sera la bonne : les Russes iront les premiers sur la Lune.

    La mission Apollo 8 est programmée en catastrophe pour la fin de l'année. Un équipage partira faire le tour de la Lune, sans s'y poser, et reviendra sur Terre. Avant le lancement, on ergote sur l'emport d'une caméra, qui va alourdir la capsule. Finalement, l'appareil est accepté à bord : il sera l'instrument de la victoire américaine. Les images tournées par les astronautes font, en ce Noël 1968, le tour du monde. Il reste bien sûr à tenir la promesse de Kennedy, mais les Etats-Unis ont d'ores et déjà gagné, fin 1968, la bataille de la Lune. Et, en dépit des apparences et d'un suspense savamment entretenu pendant près de dix ans, leurs adversaires n'ont sans doute jamais été en mesure de leur ravir cette victoire.

    Stéphane Foucart

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