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Le 11 septembre et les versions non officielles : quelles logiques sont à l'uvre ?
Le 11 septembre et les versions non officielles : quelles logiques sont à l'œuvre ?Cet article a été rédigé par un reporter
d'AgoraVox, le journal média
citoyen qui vous donne la parole.Pourquoi et comment les
thèses sur le thème « la vérité est ailleurs » autour des causes du
11/09 connaissent-elles autant de succès ? Ce sujet troublant mérite
qu'on s'y arrête et qu'on se pose aussi la question de la crédibilité
de ces thèses alternatives.
Carlo Revelli publie à
nouveau un article
sur la couverture médiatique du 11 septembre et plus particulièrement sur la
« publicité » - ou l'absence de publicité - faite aux hypothèses remettant
en cause la version officielle des attentats. Le succès des articles sur ce
sujet et les nombreux commentaires qu'ils suscitent révèlent un vrai trouble
alors que le scénario officiel paraît pourtant solidement établi.Tout d'abord il convient
de noter que toutes les interprétations alternatives convergent vers deux
affirmations centrales : on ne nous dit pas la vérité d'une part, et le
gouvernement américain - ou ses alliés, ou la CIA, ou les néo-conservateurs...
autant de variantes du même thème - sont en fait derrière ces attentats d'autre
part. Ces thèses qu'on qualifiera de « complotistes » ont connu des
fortunes diverses, on se souvient par exemple du succès inattendu de l'ouvrage
« L'effroyable Imposture » de Thierry Meyssan, mais il semble que ces
derniers temps, elles connaissent un regain d'intérêt.Au-delà du contenu même
de ces théories, sur lequel nous reviendrons, il nous paraît pertinent de nous
interroger sur leur émergence et sur leur résurgence actuelle.Approximations et
cercle vicieuxLes attentats du 11
septembre ont provoqué une forme de sidération (« suspension brusque des
fonctions vitales », et l'on peut associer à ce mot l'image d'un George
Bush comme absent lorsqu'il apprend la nouvelle dans une école) sur nous tous. Après
cet état il faut être capable de digérer l'évènement, de le surmonter et de
rejoindre le flot vital. Un des besoins essentiels pour reprendre le cours des
jours est celui de la compréhension : pourquoi ces attentats ?
Qui ? Comment ? Ces explications sont pour les populations touchées,
et en un sens le « Nine Eleven » est la première catastrophe
médiatique mondialisée en temps réel ce qui a fait de nous tous
des personnes concernées, indispensables pour vivre à nouveau. Devant l'ampleur
de la catastrophe il faut une causalité, des responsables, et demain des
coupables. Dès lors les Pouvoirs Publics, et en l'occurrence le gouvernement
américain, doivent être immédiatement capables de fournir des explications. Ne
pas donner de grille de lecture à ces évènements revient à rendre impossible le
retour à la vie des survivants. Alors des explications sont fournies : Ben
Laden et Al-Qaïda, les terroristes saoudiens, les leçons de pilotage... et
elles sont vraies. Mais lorsque des zones d'ombre existent, lorsque les autorités
ne possèdent pas tous les éléments, elles biaisent, tronquent, passent sous
silence. En effet au moment des faits, il est impossible de dire « nous ne
savons pas » car cela ajouterait l'impuissance au désastre. A ce moment, le
doute n'est pas permis car il indiquerait une faiblesse supplémentaire. En ces
jours troublés tout discours autre que celui des explications serait inaudible
par les populations : elles veulent des explications car elles en ont
besoin pour surmonter leur détresse.Dans les semaines ou les
mois qui suivent le 11 septembre, les plaies sont encore béantes et personne ne
revient sur les omissions ou les à peu près, mais une fois cette période
passée, certains - journalistes, écrivains, internautes - s'en emparent et les
mettent à jour. Le cercle vicieux se referme alors : il est impossible
pour les pouvoir publics de reconnaître qu'ils n'ont pas tout dit ou qu'ils ont
donné une information partielle, ce qui contribue en retour à alimenter toutes
les rumeurs ou les théories.Un terrain
favorableDans ce contexte, les
théories conspirationnistes vont trouver un terrain favorable pour se déployer,
puis vont connaître une vitalité nouvelle depuis quelques mois ; on pense
par exemple au film « Loose Change »
de Dylan Avery qui a connu un retentissement important. A notre sens plusieurs
facteurs convergents vont permettre ce nouvel élan : tout d'abord une
raison totalement exogène au sujet qui est l'explosion du phénomène des blogs
et de la diffusion vidéo sur le Net. Un nombre croissant d'internautes peuvent
élaborer et faire connaître leurs opinions ou thèses et les étayer en
partageant des vidéos, des interviews... et le 11 septembre a évidemment été un
de leurs thèmes de prédilection. De même on peut penser qu'il est toujours plus
séduisant, et ce quel que soit le sujet, de travailler sur le mystère, le
non-dit, le caché, plutôt que d'avaliser une explication rationnelle, mais trop
lisse. Et d'ailleurs plus les scénarios alternatifs seront "osés"
plus leur popularité sera grande.Le second facteur à
prendre en compte est lié à la perception des phénomènes hors du commun ;
lorsque « l'impensable arrive », en l'occurrence que des terroristes
aient pu ourdir de tels attentats et faire vaciller l'hyper-puissance
américaine, avec des moyens finalement limités, il faut, après le choc initial,
faire revenir l'évènement dans l'ordre du possible. Dans ce cas précis cela se
traduit par l'idée que seules des personnes très puissantes, au cœur même du
système, auraient pu organiser les attentats.Le troisième élément à
intégrer est le fiasco complet de la guerre en Irak qui contribue à délégitimer
un peu plus l'administration Bush. Par un paradoxal retour de boomerang, alors
que le dossier irakien n'a rien à voir avec les attentats du 11/09
contrairement d'ailleurs à ce que voulait faire croire l'administration Bush,
l'échec américain à Bagdad libère les paroles et les critiques sur le dossier
des attentats. L'enlisement dans le bourbier afghan ne contribuant évidemment
pas à arranger les choses. Le fait que Jean Pierre Chevènement, grand
pourfendeur des Etats-Unis, puisse préfacer le livre de Jürgen Elsässer n'a dès
lors rien d'étonnant.Enfin la situation
internationale (tensions au Proche orient, crise iranienne, guerre au Liban)
alimente l'anti-américanisme et les ennemis de l'Oncle Sam trouvent dans le
débat autour des causes du 11 septembre un sujet idéal de critique des
Etats-Unis.Mobiles et moyens
On nous a donc
menti : tel est le nœud central du récit conspirationniste. A partir de là,
il est facile de dérouler une histoire, quelle qu'elle soit, puisque par
définition ceux qui nous mentent ne vont pas venir nous le confirmer. Pierre
André Taguieff analyse très bien ce mécanisme auto-régulateur des différentes
formes des théories du complot dans son livre paru en 2005 - La foire aux
illuminés, Ed. Mille et Une Nuits. Mécanisme qui disqualifie par avance
toute critique de la théorie du complot (celui qui nie la théorie du complot
devient à son tour suspect).Dès lors il est presque
vain d'essayer d'aborder et de réfuter, point par point, les "zones
d'ombre" soulevées par les uns et les autres car très rapidement les
débats deviennent totalement incompréhensibles. A titre d'exemple les questions
soulevées par certains spécialistes ou présumés tels sur l'effondrement des
tours du World Trade Center avec force schémas, argumentaires sur la structure
des matériaux, la résistance des solides, les phénomènes d'implosion et
d'explosion, afin de prouver que des charges explosives avaient été placées
dans les tours pour les faire s'effondrer est totalement hermétique pour le
profane (d'autant plus que des experts patentés soutiendront des conclusions
totalement inverses à partir de l'analyse des mêmes phénomènes).Aussi, seule une
appréhension globale semble pertinente pour "démonter" les théories
conspirationnistes sur le sujet. Dans ce contexte revenons sur l'hypothèse clé
de ces théories : les attentats du 11 septembre ont été facilités voire organisés
par des hommes de l'ombre appartenant aux services secrets américains et leurs
alliés et/ou des membres influents de l'administration américaine notamment
néo-conservateurs et/ou le complexe militaro-industriel américain. L'objectif
de ces hommes étant d'étendre leur pouvoir et leur influence à des fins
mercantiles et stratégiques. Là où cette théorie nous semble inopérante - nous
n'évoquerons même pas les implications morales, politiques et juridiques de
telles affirmations qui sous-tendent que ces hommes ont sciemment tué des
milliers d'individus, nous nous plaçons ici délibérément dans l'hypothèse où
tout serait possible à des fins de démonstration - c'est que les mêmes
objectifs auraient pu être atteints beaucoup plus facilement et avec un coût (humain,
financier, géopolitique) et une prise de risque bien moindres.Prenons quelques exemples
des justifications avancées : les attentats du 11 septembre auraient servi
de justification à la guerre en Irak pour s'approprier des réserves pétrolières
stratégiques. Or nous avons bien vu que les Américains sont partis en guerre en
Irak sans mandat clair et en tentant de monter un dossier indépendamment du
11/09 (voir par exemple l'épisode du soi-disant enrichissement d'uranium
commandité par Bagdad). Nul besoin de faire autant de victimes avec les
attentats pour lancer et justifier cette guerre dont le fiasco par ailleurs est
patent. De même, ces attentats auraient permis à certains de spéculer et de
s'enrichir : pour cela, là encore, nul besoin de faire des choses aussi
complexes et "coûteuses". Quelques rumeurs distillées intelligemment
sur les marchés financiers - et nos hommes de l'ombre qui sont si puissants
pourraient le faire sans problème - permettent d'atteindre le même résultat
beaucoup plus simplement. Le 11/09 aurait aussi permis de justifier des mesures
restrictives en, matière de libertés civiles. Mais là encore dans quel
but ? Connaître les conversations de Mr Smith ? Prendre le
risque politique d'une levée de boucliers sur le sujet ? Pas très malin...En somme les thèses du
complot ne résistent pas à l'examen du mobile, ou en tout cas des moyens mis en
œuvre. Ces moyens paraissent totalement disproportionnés et inutiles quant aux
résultats visés. Ainsi les adeptes des théories du complot nous dépeignent des
individus puissants, d'un cynisme effrayant, sans foi ni loi, manipulateurs, en
somme des monstres, mais qui dans le même temps utiliseraient des méthodes
totalement inadaptées pour atteindre leurs objectifs. Etrange paradoxe...En conclusion on pourra
faire plusieurs remarques : les autorités américaines ont sans doute
occulté ou travesti une partie de la vérité sur les attentats du 11 septembre
sans que fondamentalement cela remette en cause la réalité des auteurs et de
leurs mobiles. L'implication passée des services américains dans
l'instrumentalisation et l'utilisation des groupes islamistes au temps de la
guerre froide et plus particulièrement au cours de la guerre en Afghanistan
contre les Soviétiques ne les ayant sans doute pas incité malheureusement à
être toujours très transparents sur ces questions... De même si certains ont
« profité » des attentats - on peut penser par exemple aux
attributions d'un grand cynisme de stock-options le 12 septembre au moment où
les cours se sont effondrés ou à l'utilisation politique qu'en a faite
l'administration Bush - cela n'en fait pas les organisateurs ni les
instigateurs. Il y'a là une immense différence. Enfin sur des
sujets aussi graves, il convient à chacun de réfléchir et de se faire son opinion
en résistant aux sirènes toujours séduisantes de « la vérité est
ailleurs ».
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