L'arrêt de la production de cette tablette relève d'une décision

«prématurée», jugent les analystes de Canalys.

La concurrente la plus redoutable de l'iPad n'existe officiellement plus. Arrêtée brutalement le mois dernier à la faveur d'une réorganisation interne chez Hewlett-Packard, la TouchPad connaît pourtant un improbable regain d'intérêt. La semaine dernière, Rueducommerce en a vendu un millier en dix minutes lors d'une vente flash. La demande était si forte, et les déçus si nombreux, que le directeur général adjoint du site s'est fendu d'un mail aux clients les plus chanceux, pour les inciter à faire part de leur satisfaction sur les réseaux sociaux.

Cette très forte demande pour la TouchPad a été provoquée par la baisse de prix drastique de la tablette, décidée après l'annonce de l'arrêt de sa production, le 18 août. Pour écouler ses stocks au plus vite, Hewlett-Packard en a ramené le tarif à seulement 99 euros, soit une économie de 380 euros par rapport au prix de lancement. Bradée, la TouchPad est devenue instantanément une excellente affaire pour naviguer sur Internet, consulter ses emails ou regarder des films, avec son grand écran de 10,1 pouces et son élégant système webOS.

Grâce à cet effet d'aubaine, la tablette de HP s'est hissée en quelques semaines à la deuxième place des tablettes les plus vendues, derrière l'iPad. Le cabinet d'études IDC table désormais sur une part de marché mondiale de 4,7% à l'issue du troisième trimestre, qui s'achèvera fin septembre, frôlant le million de ventes. Les fabricants de tablettes Android, comme Samsung et Motorola, se partageront 23%, en retrait par rapport au deuxième trimestre. Apple, de son côté, restera largement majoritaire.

Une tablette Amazon à 250 dollars

Dans une note publiée cette semaine, les analystes de Canalys estiment que HP devrait tirer des conclusions de ce succès tardif en s'accrochant au secteur des tablettes. Selon Canalys, le groupe a pris une décision «prématurée» en scellant le destin de la TouchPad au bout de 49 jours. «Aucune autre société high-tech, hormis Apple, n'est parvenue à susciter autant de battage médiatique pour un produit», assène le cabinet d'études. Une analyse partagée par Roger Key, analyste chez Endpoint Technologies, qui estime que la tablette a pêché «par son prix, pas par le matériel».

Le prix de 99 dollars est cependant difficilement tenable. HP a déjà anticipé une charge d'un milliard de dollars sur son dernier trimestre fiscal, à la suite de l'arrêt de la production de terminaux webOS, qui comprend aussi les téléphones Palm Pre et Veer, et de sa restructuration. Le coût de fabrication de la TouchPad a été chiffré à 306 dollars par iSuppli, et HP ne peut pas espérer vendre le matériel à perte et se rattraper ensuite sur de la vente de contenu, contrairement aux fabricants de consoles de jeux vidéo. Mais d'après Canalys, une part de marché de plus de 10% doublerait ou triplerait la valeur de la division PC de HP, évaluée entre 8 et 10 milliards de dollars, que le groupe américain cherche à vendre.

Si leur activité en a pâti sur le coup, les concurrents de HP qui ont eux aussi choisi un positionnement tarifaire agressif, comme Archos, voient en tout cas dans ces événements une validation de leur stratégie (la série des Archos G9 débute à 249 euros). Amazon, très attendu sur ce marché, risque d'ailleurs de jouer lui aussi cette carte du prix pour se faire une place aux côtés d'Apple. Sa future tablette Android de 7 pouces, qui devrait être présentée dans les prochaines semaines, sera vendue seulement 250 dollars, selon les informations de TechCrunch. Soit deux fois moins cher que le premier iPad.

Benjamin Ferran Journaliste Le Figaro.fr